Une rencontre à haute vitesse…
Les corps planétaires susceptibles d’entrer en collision avec la Terre circulent avec des vitesses d’autant plus élevées qu’ils proviennent de plus loin, soit 42 km/s en arrivant au voisinage de la Terre pour un corps provenant d’au-delà de Neptune. Or, la vitesse d’impact d’un objet rentrant dans l’atmosphère est la composition de sa vitesse orbitale et de celle de la Terre (30 km/s). La vitesse en haut de l’atmosphère d’un objet provenant de la périphérie du Système solaire (typiquement, une comète), peut donc atteindre jusqu’à 72 km/s, soit 260 000 km/h ! Elle est au minimum de 11 km/s, soit près de 40 000 km/h. À de pareilles vitesses, l’atmosphère de la Terre, bien que fluide, se comporte comme un mur qui freine brutalement le bolide – de la même manière que l’eau d’une piscine freine brutalement un plongeur qui arrive trop vite en présentant une surface de contact trop importante (et qui fait donc un douloureux « plat »). L’atmosphère est, en effet, très dense par rapport au milieu interplanétaire, et ce d’autant plus que le corps incident y pénètre plus profondément.
… qui engendre une ablation du météoroïde…
Fortement comprimé à l’avant de ce corps, l’air n’a pas le temps de s’échapper. Il s’échauffe et s’ionise, se transformant en un plasma porté à une température de l’ordre de la dizaine de milliers de kelvins (par comparaison, la température de la surface du Soleil est de 5 700 K). Ce plasma brillant englobe l’objet incident : le météore s’allume dès que l’objet atteint une altitude à laquelle l’atmosphère est suffisamment dense – typiquement vers 100 km. La surface de l’objet incident est violemment échauffée et ses atomes lui sont littéralement arrachés par le plasma. Ainsi, l’objet incident diminue-t-il en taille graduellement : c’est le phénomène d’ablation. L’ablation est la principale raison pour laquelle les météores s’éteignent dans la haute atmosphère, lorsque le grain incident a été consumé dans son intégralité.
…voire sa fragmentation !
Le corps incident va aussi venir se briser, le plus souvent à plusieurs reprises, contre le « mur atmosphérique », c’est ce qu’on appelle la « fragmentation catastrophique », chacun des fragments résultants se retrouvant entouré de son propre plasma, ce qui augmente l’efficacité du phénomène d’ablation. La probabilité de cette fragmentation dépend de la nature du matériau incident : de même qu’il est plus facile de casser une roche silicatée avec un marteau qu’un bloc de métal, les corps métalliques ont tendance à être moins fragmentés lors de la traversée de l’atmosphère et, atteignant la surface de la Terre sous forme d’un ou plusieurs blocs massifs, à y engendrer des cratères d’impact. À l’opposé, les matériaux friables issus de comètes ou d’astéroïdes carbonés, vont avoir tendance à se fragmenter significativement et à être détruits par l’ablation. Ainsi, l’atmosphère contribue-t-elle à protéger la surface de la Terre, contrairement à ce qui se passe à la surface de la Lune, criblée d’impacts de toutes tailles et couverte pour cette raison d’un matériau pulvérulent formé par le « jardinage cosmique ». L’atmosphère terrestre crée ainsi un biais d’échantillonnage : les matériaux qui atteignent le sol terrestre sous forme de météorites ne sont pas pleinement représentatifs de ceux qui orbitent dans le système solaire et entrent en collision avec notre planète…
Ralentissement et « vol sombre »
Enfin, le corps incident, ou plutôt ses fragments, vont peu à peu être ralentis par une atmosphère de plus en plus dense au fur et à mesure qu’ils perdent de l’altitude. Ce ralentissement est d’autant plus efficace que le fragment concerné est petit et les « fragments » du météore vont ainsi se répartir avec les plus gros vers l’avant et les plus petits vers l’arrière, le long d’une droite qui est la projection de leur trajectoire. Lorsque ces fragments auront été suffisamment ralentis, à quelques dizaines de kilomètres d’altitude, le météore va s’éteindre. L’ablation s’arrête et les fragments vont terminer leur course vers la Terre en chute libre. C’est la partie de leur trajectoire que l’on appelle le « vol sombre », durant laquelle ils sont soumis aux effets des vents qui peuvent les déporter sur plusieurs kilomètres. La dispersion résultant des effets combinés des épisodes de fragmentation et des vents explique la distribution en ellipse de la répartition des fragments observée par Biot dès 1803. En pratique, les vents affectant davantage les petits fragments que les gros, cette aire de répartition est souvent incurvée vers l’arrière.
Un bang supersonique
L’ensemble du phénomène décrit ici ne dure que quelques secondes, raison pour laquelle la chaleur du plasma ne pénètre pas au-delà du millimètre dans les fragments du corps incident dont la température interne est de l’ordre de -15°C. Mais les épisodes de fragmentation catastrophique vont libérer une partie de l’énergie cinétique du bolide et créer une onde de choc dans l’atmosphère. Celle-ci, qui se déplace à la vitesse du son, soit environ dix fois moins vite que le bolide lui-même, atteindra le sol une à deux minutes après lui et sera perçue comme un coup de tonnerre. Dans le cas où l’objet incident est massif, comme ce fut le cas avec la chute de la météorite de Chelyabinsk, reliquat d’un corps dont la masse initiale est estimée à dix mille tonnes, le souffle peut être destructeur. Cet épisode donne également une idée de l’efficacité du phénomène d’ablation : environ une tonne de matériel a été retrouvée sur les dix mille tonnes incidentes.

Figure 1- Lorsqu’un corps en provenance de l’espace pénètre l’atmosphère de la Terre, un bolide se forme lorsque l’air devient suffisamment dense, aux alentours de 100 km d’altitude et il persiste jusqu’à la désintégration complète du corps ou jusqu’à ce que son ralentissement devienne tel que le plasma qui l’entoure s’éteint, aux alentours de 30 km. Le bolide est donc observable à l’œil ou par des caméras pendant les quelques secondes que dure son trajet entre 100 km et 30 km. On qualifie de « vol sombre » la fin en chute libre de la trajectoire de l’objet, période au cours de laquelle il est soumis aux vents qui peuvent le déporter de plusieurs kilomètres. Crédit : Brigitte Zanda, MNHN
Extrait du dossier « Le programme FRIPON/Vigie-Ciel », par Brigitte Zanda, Asma Steinhausser, Jean-Philippe Uzan, Sylvain Bouley et François Colas. Paru dans Géochronique, Magazine des Géosciences n°166 (juin 2023), édité par la Société Géologique de France et le BRGM.