Une première génération d’étoiles sans planète
Dans l’histoire de l’Univers, telle que nous la comprenons aujourd’hui avec le modèle standard du big-bang, les premiers noyaux atomiques légers se forment quelques minutes après le big-bang et les atomes 380 000 ans plus tard. La matière cosmique est alors principalement composée d’atomes d’hydrogène (1 proton) et d’hélium (2 protons et 2 neutrons) dans une proportion de 6 atomes d’hélium pour 100 atomes d’hydrogène. Ce n’est qu’à partir de ce moment que ces grands nuages de gaz peuvent commencer à former des étoiles. Sous l’effet de leur propre gravitation, ils se contractent et forment les premières structures. C’est le début de l’histoire des galaxies et des étoiles. On estime que les premières étoiles, probablement massives, se forment une centaine de millions d’années après le big-bang. Ces dernières n’ont pas de planètes puisque l’Univers est composé essentiellement d’hydrogène et d’hélium.
Des systèmes planétaires construits par accrétion
Les étoiles qui se forment tardivement, après que l’évolution d’étoiles plus anciennes ait ensemencé le milieu interstellaire en noyaux plus lourds que l’hélium (voir « Évolution stellaire et nucléosynthèse » ci-dessous), sont entourées d’un « disque circumstellaire » de gaz et de poussières en rotation, dans lequel des corps planétaires sont susceptibles de se former (Figures 1 et 2). Les grains spiralent dans le disque, s’entrechoquent et s’agglomèrent selon des processus complexes et imparfaitement compris. La présence de turbulence dans le disque joue probablement un rôle important en concentrant les particules, aboutissant à des amas massifs liés par leur gravité propre. Les solides du disque évoluent ainsi par étapes depuis des poussières micrométriques vers des planétésimaux kilométriques qui, à la suite de collisions, forment des corps planétaires. C’est ce qu’on appelle le phénomène d’accrétion.

Figure 1- Vue d’artiste d’un disque protoplanétaire dans lequel se forment les planètes avec une jeune étoile en son centre. Crédit : ESO/L. Calçada
La construction des corps planétaires est ainsi le résultat de collisions à toutes les échelles. Celles-ci ont majoritairement été « constructives » (aboutissant à la formation d’un corps plus gros résultant en l’agglomération des deux corps entrés en collision), mais elles ont fréquemment pu être « destructives » (résultant en la destruction de l’un ou des deux corps).

Figure 2- Image d’un disque protoplanétaire autour de l’étoile HL Tauri prise par le radiotélescope ALMA. Les stries sombres indiquent les zones où les poussières se sont accrétées pour former des protoplanètes. Crédit : ESO/ALMA
Les météorites, témoins du processus de formation des planètes
Les processus géologiques majeurs qui gouvernent l’évolution du Système solaire et que nous pouvons lire dans les météorites sont les conséquences directes de la dissipation de l’énergie gravitationnelle et cinétique contenue dans les nuages du milieu interstellaire à l’origine des étoiles. En effet, ces dernières convertissent de l’énergie gravitationnelle en énergie nucléaire accumulée dans des noyaux atomiques. Certains des noyaux formés par des étoiles disparues avant la formation du Soleil et ayant enrichi le nuage de milieu interstellaire à l’origine de ce dernier, étaient radioactifs : leur désintégration a été une source de chaleur interne pour les corps planétaires dans lesquels ils se sont retrouvés piégés. Lorsque ces corps ont été formés suffisamment tôt (avant que les noyaux dont la désintégration est rapide aient eu le temps de décroître massivement) et s’ils étaient suffisamment massifs (pour ne pas dégager trop rapidement leur chaleur interne), ils ont pu fondre partiellement, ce qui aura déclenché volcanisme et différenciation. La seconde catégorie de processus géologiques majeurs dans le Système solaire dérive des collisions dans le disque ayant abouti à l’accrétion des corps planétaires et dont les impacts qui ont jalonné l’histoire de ces corps constituent le prolongement. Les météorites que nous retrouvons sur Terre aujourd’hui ont été façonnées par l’ensemble de ces processus dans la reconstitution desquels leur étude joue un rôle primordial.
Évolution stellaire et nucléosynthèse
On peut résumer le processus d’évolution stellaire comme suit. Un nuage de gaz massif s’effondre sous son propre poids, la matière chauffe et s’ionise, mais l’effondrement s’emballe, puisque le cœur devient de plus en plus compact et massif, jusqu’à ce que la pression dans le cœur soit capable d’équilibrer la gravitation. Cela arrive dès que des réactions de fusion nucléaire s’initient. L’étoile atteint un équilibre transformant, dans son cœur d’abord, l’hydrogène en hélium. Lorsque le cœur n’est plus assez riche en hydrogène, et si l’étoile est suffisamment massive, l’effondrement reprend jusqu’à ce que de nouvelles réactions nucléaires qui convertissent l’hélium en carbone se déclenchent. Le processus se répète ainsi avec la formation de noyaux de numéros atomiques de plus en plus élevés. L’étoile évolue par une succession d’équilibres. Dans chaque phase, pour maintenir son équilibre, elle extrait de l’énergie soit de la contraction gravitationnelle (macroscopique), soit des réactions nucléaires (microscopiques). Les processus nucléaires étant très lents, cela explique pourquoi les étoiles brillent longtemps.
La nature des réactions de fusion nucléaire et la durée de chacune des phases d’évolution de l’étoile dépendent de la masse initiale de l’étoile. Si elle est comprise entre 0,08 et 0,5 masse solaire, il y a seulement une phase d’hydrogène, le cœur d’hélium se contracte et on obtient une naine blanche. Si la masse est comprise entre 0,5 et 7 masses solaires, le cœur consomme son hélium et on obtient une naine blanche avec un cœur carbone-oxygène. Si la masse est comprise entre 7 et 9 masses solaires, le cœur consomme son carbone et on obtient une naine blanche avec un cœur néon-magnésium. Pour une étoile plus massive mais de masse inférieure à une dizaine de masses solaires, l’étoile se transforme en supernova et forme une étoile à neutrons. Pour des étoiles encore plus massives, on a une série plus complexe : par exemple, pour une étoile de 15 masses solaires, phase de l’hydrogène (11 millions d’années), phase de l’hélium (2 millions d’années), du carbone (2 000 ans), oxygène (2,6 ans), silicium (18 jours) et fer (1s). Le processus s’arrête brutalement car le fer étant le noyau atomique le plus stable, la formation de noyaux de numéros atomiques plus élevés ne libère plus d’énergie, mais au contraire en demande. Le cœur de l’étoile a acquis une structure « en oignon » avec un cœur composé essentiellement de silicium et recouvert de couches successives d’oxygène, de carbone, d’hélium et d’hydrogène. Privé d’énergie, le cœur s’effondre sous sa propre gravitation, les couches supérieures de l’étoile viennent heurter le cœur de fer sur lequel elles vont « rebondir », ce qui déclenche l’explosion de l’étoile et engendre une supernova et la formation d’un trou noir. Lors de cet événement violent, de nombreuses réactions nucléaires additionnelles se produisent, qui permettent la formation de noyaux de numéros atomiques plus élevés que le fer (Figure 3).

Figure 3- Le célèbre tableau périodique des éléments de Mendeleïev avec une indication de l’origine de chacun des éléments : Big Bang (en bleu), fin de vie des étoiles peu massives (en vert), explosion d’étoiles massives (en jaune), fission via les rayons cosmiques (en rose), coalescence de deux trous noirs (en violet), explosion de naine blanche (en gris clair), ainsi que ceux synthétisés par l’être humain (mais instables, en gris foncé). Crédit : Wikipédia
Tout cela reste schématique puisque ces chiffres et les mécanismes dépendent de la composition initiale de chaque étoile, de l’existence de vent stellaire, d’un compagnon, d’accrétion de matière. Ce qu’il faut retenir de ce mécanisme de nucléosynthèse stellaire, c’est que le milieu interstellaire s’enrichit peu à peu en noyaux lourds, nécessaires pour la formation de planètes. Les étoiles de générations suivantes se forment à partir d’un nuage de gaz et de poussière. L’évolution de l’étoile, les phases par lesquelles elle passe et sa durée de vie, dépendent essentiellement de sa masse et de son abondance initiales en noyaux atomiques plus lourds que l’hélium. Les noyaux ainsi formés vont dans leur grande majorité se condenser en grains au voisinage des étoiles qui les ont synthétisés ou dans le milieu interstellaire.
La durée de ce processus et donc la durée de vie d’une étoile est inversement proportionnelle, en première approximation, au cube de sa masse. Le Soleil a une durée de vie de dix milliards d’années et les étoiles les plus légères de vingt à trente milliards d’années. Pour les plus massives, ce processus est rapide (de l’ordre de 1 à 10 millions d’années) comparé au temps de formation des étoiles de faible masse, qui ainsi héritent d’une matière enrichie. Ainsi, théoriquement, il n’est pas exclu que des systèmes planétaires avec une riche diversité atomique existent quelques centaines de millions d’années après le big-bang, ce que confirment les observations. La plus vieille étoile connue, SMSS JO31300.36-670839.3 située dans notre Galaxie à 6 000 années-lumière, aurait un âge estimé de 13,6 milliards d’années. Le plus vieux système planétaire a un âge estimé à 13 milliards d’années : PSR B 12620-26b, dans l’amas globulaire M4 (Scorpion). Il possède une planète géante gazeuse de 2 à 3 fois la masse de Jupiter orbitant autour d’un système binaire constitué d’un pulsar et d’une naine blanche. Les plus vieilles planètes telluriques sont datées à 11,2 milliards d’années dans le système Kepler 444 (Lyre).
Extrait et adapté du dossier « Le programme FRIPON/Vigie-Ciel », par Brigitte Zanda, Asma Steinhausser, Jean-Philippe Uzan, Sylvain Bouley et François Colas. Paru dans Géochronique, Magazine des Géosciences n°166 (juin 2023), édité par la Société Géologique de France et le BRGM.